Climat : pourquoi Jean Jouzel ment-il impunément sur le réchauffement anthropique ?

L’émission « La tête au Carré » sur France Inter, de Matthieu Vidard , aborde l’environnement et l’écologie sous le prisme du réchauffement climatique, la plupart du temps. L’émission du 8 février 2021 avait pour thème : « Les évènements climatiques extrêmes — Pourquoi les colères de la Terre sont-elles de plus en violentes ? Quel lien avec le réchauffement climatique ? ».

Jean Jouzel y était invité, ainsi qu’une jeune chercheuse en physique de l’atmosphère au Latmos, maître de conférences à Sorbonne Université : Ludivine Oruba. La question centrale était « Alors que l’effet destructeur des cyclones semble être à la hausse au cours de ces dernières années, ce constat est-il réel ou est-ce un biais observationnel ? Établir un lien entre intensification – fréquence des cyclones et réchauffement climatique n’est pas forcément simple… »

L’objet de ce billet n’est pas de décortiquer toutes les affirmations effectuées par Jean Jouzel et Ludivine Oruba durant cette émission, mais d’observer plus particulièrement une intervention de Jean Jouzel, sur un point crucial de l’émission : le scepticisme à propos du réchauffement climatique anthropique (RCA). L’angle de l’émission n’était normalement pas d’aborder ce thème très général, puisqu’il était question de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques liés ou non au réchauffement planétaire de 0,8° à 1,2°C constaté en 150 ans, selon le GIEC. Mais la question a été tout de même posée, pour que Jean Jouzel puisse y répondre.

Jouzel venait d’expliquer que le montée des eaux était en accélération permanente et totalement liée au émissions de gaz à effet de serre humains — une affirmation pourtant très contestée par une partie des climatologues spécialistes du sujet , telle Judith Curry qui a publié une longue étude sur le sujet et s’étonne de la non corrélation statistique entre émissions de CO2 et élévation des océans…

Mais voilà Camille Crosnier posant la question faussement naïve de l’auditrice Brigitte, qui « a son mari qui ne met pas en doute le réchauffement climatique, mais qui met en doute « l’origine anthropique de ce réchauffement ». Écoutons la question et la première partie de réponse de Jean Jouzel :

Le début de réponse de Jean Jouzel est étonnant : il félicite les gens sceptiques ! Puis il parle de « changement de société » pour contrer les changements climatiques… et arrive à une explication très alambiquée qui n’a pas grand chose à voir avec la question : la prudence du GIEC et des scientifiques, comme lui. Il leur aurait fallu « 30 ans pour passer de cette question de la responsabilité de l’homme — dans le premier rapport du GIEC nous ne savions pas si elle était vraiment làet progressivement, dans le dernier rapport du GIEC nous avons montré que c’est d’abord les activités humaines qui sont en cause. Sans les activités humaines on ne peut pas expliquer le réchauffement », dit-il.

Ce premier demi-mensonge avéré de Jean Jouzel est étonnant : le GIEC, depuis son premier rapport, établit probablement la responsabilité humaine du réchauffement climatique déjà constaté à l’époque, mais le confirme sans discussion possible dans son deuxième rapport de 1995. Au passage, ce sont même ses propres statuts qui indiquent cette fonction de l’institution. Le GIEC compile les études sur le réchauffement climatique anthropique et publie des rapports uniquement sur ce phénomène lié aux activité humaines. Le GIEC n’a jamais cherché à établir une cause naturelle du réchauffement climatique, l’ancien vice-président de cette organisation devrait le savoir.

Quant aux 30 ans qui se seraient déroulés avent que le GIEC ne soit certain que ce sont les activités humaines qui sont la cause du réchauffement climatique, là, c’est une autre affirmation totalement mensongère de Jean Jouzel, qui se contredit immédiatement en parlant du dernier rapport du GIEC (5ème du nom) qui date de 2013, à moins qu’il ne veuille parler des rapports intermédiaires de 2018 ? Mais même dans ce cas-là, le mensonge est patent : la première COP de 1995 organisée par le GIEC affirme déjà la caractère anthropique du réchauffement global et quant au 3 ème rapport, en 2001, il crée l’alerte mondiale sur le réchauffement avec la publication de la [fausse] courbe en crosse de hockey de Michael Mann de 1998. La prudence du GIEC sur la réalité du caractère anthropique n’existe que dans l’esprit de Jean Jouzel. Mais il tient à faire partager cette étonnant mensonge avec les auditeurs d’Inter…

La suite de la réponse du glaciologue, ancien vice-président du GIEC est encore plus étonnante :

« On a un réchauffement de près de 1° C depuis les années 50, ce réchauffement peut être complètement expliqué par les activités humaines, à l’inverse les causes naturelles de variation du climat, qu’on connaît bien, qu’on prend en compte, l’activité solaire, celle des volcans, ne peuvent expliquer qu’un dixième de degré (…) »

Jean Jouzel, éminent scientifique et spécialiste du climat, profère un mensonge absolu, en direct, sur l’antenne de la radio publique la plus écoutée de France, pour convaincre les auditeurs que le RCA n’a débuté qu’à partir des années 1950 et qu’il n’y a donc pas d’autre explication à ce phénomène que les activités humaines. Les deux journalistes « militants du climat », dont un, Matthieu Vidar, qui se dit journaliste scientifique, ne le reprendront pas.

Or, cette « fake news » de Jean Jouzel est très simple à « debunker » : les études utilisées par le GIEC sur le « early 20 Century global warming » sont très claires et disent exactement l’inverse de ce que profère Jean Jouzel ce 8 février 2021. Prenons l’étude du GFDL (Geophysical fluide Dynamics laboratory, centre de recherche au sein de la NOAA , National Oceanic and Atmospheric Administration) de 2000, intitulée : « Simulation of Early 20th Century Global Warming » et regardons ce qu’il en est des 1° C d’élévation de la température seulement depuis les années 50, selon Jean Jouzel et qui débute ainsi :
« Le réchauffement climatique observé au siècle dernier s’est produit principalement en deux périodes distinctes de 20 ans, de 1925 à 1944 et de 1978 à nos jours. »

Les graphiques suivants viennent attester de ces deux élévations de température équivalente, l’une avant les années 50 et l’autre depuis 1978 :

Bien entendu, comme cette étude a déjà 20 ans il est intéressant d’aller voir d’autres études plus récentes qui parlent du même sujet — que Jean Jouzel ne semble pas connaître —, mais que tous les climatologues connaissent pourtant : j’ai nommé, le « réchauffement climatique du début du XXème siècle ».

L’étude « The early 20th century warming: Anomalies, causes, and consequences » a été publiée en 2018 et est réellement passionnante. Chacun peut aller la consulter afin de mieux comprendre ce qu’il est est vraiment de cette période de réchauffement climatique aussi importante que celle qui a eu cours depuis la fin des années 1970, sur une période aussi longue, puisqu’il n’est plus seulement question de 20 ans mais plutôt de 40 à 50 ans : « L’une des périodes de réchauffement accéléré les plus marquantes a été le «Réchauffement du début du XXe siècle» (ETCW) des années 1890 aux années 1940. Cet article traite du changement climatique avant et pendant l’ETCW, y compris ses causes et les phénomènes exceptionnels qui ont été observés pendant cette période de réchauffement extraordinaire. La fin du réchauffement au milieu du XXe siècle a marqué la première période de ce siècle qui montre un changement de température détectable en dehors de la variabilité interne sur 2 à 5 décennies (…) »

Cette étude de 2018 établit que : « Le réchauffement le plus prononcé de l’histoire du climat mondial antérieur au récent réchauffement s’est produit au cours de la première moitié du 20ème siècle et est connu sous le nom de réchauffement du début du vingtième siècle (ETCW). Comprendre cette période et le ralentissement subséquent du réchauffement est essentiel pour démêler la relation entre la variabilité décennale et la réponse aux influences humaines dans le climat actuel et futur ».

Cela donne ce type de graphiques :

Avec une conclusion — que Jean Jouzel connaît peut-être — et qui pourrait l’inciter à plus de mesure : « Des enregistrements plus longs, y compris d’anciens enregistrements récemment numérisés, ainsi que des réanalyses et de grands ensembles couvrant tout le XXe siècle, fournissent un aperçu nouveau et important des anomalies climatiques au début du XXe siècle. Ceux-ci ne sont pas seulement intéressants sur le plan historique, mais fournissent des preuves importantes des événements et des anomalies qui peuvent survenir et défient les modèles climatiques pour les expliquer ou du moins les échantillonner. Les principaux événements et anomalies comprennent des années de mousson anormalement pauvres au tournant du siècle, le réchauffement rapide de l’Arctique dans les années 1920, la sécheresse du Dust Bowl et les vagues de chaleur en Amérique du Nord dans les années 1930 et, à peu près coïncidant avec la Seconde Guerre mondiale, la sécheresse en Australie ainsi que des hivers froids et des étés chauds en Europe dans les années 1940 .»

Jean Jouzel a donc menti impunément ce 8 février 2021, au point de faire ce qu’on appelle aujourd’hui de la « fausse science » (Fake science), en affirmant que les 1° C d’augmentation de la température depuis 1870 ne pouvaient être attribuables qu’aux activités humaines parce que cette « élévation avait démarré dans les années 1950 et que les causes naturelles ne peuvent expliquer qu’un dixième de degré ».

Toutes les études scientifiques sur le réchauffement climatique global du début du XXème siècle — phénomène connu depuis 20 ans et confirmé scientifiquement de façon indiscutable depuis 2018 —, contredisent parfaitement le discours de Jean Jouzel.

Une question se pose alors : pourquoi Jean Jouzel peut-il faire de la réécriture de l’histoire climatique, affirmer des faussetés scientifiques sur les ondes, sans que personne ne le reprenne ? L’époque est à la défiance envers les médias, envers les personnels politiques, scientifiques, et ce, de manière inquiétante. Mais comment se plaindre de cette défiance si le mensonge est propagé « officiellement » sur les ondes, par des personnes « faisant autorité », avec des journalistes sans aucune capacité à discriminer le vrai du faux, la parole propagandiste, des faits scientifiques ?